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Signification du terme nanar et ses implications dans le cinéma

Personne ne naît fan de mauvais films. Pourtant, il suffit d’une soirée étrange, d’une bande-son absurde, ou d’un acteur visiblement perdu pour que le terme “nanar” s’impose dans la discussion, et pour que le regard sur le cinéma s’en trouve, à jamais, changé.

Depuis les années 1970, une poignée d’amateurs s’est mise à ranger certains films dans une catégorie à part, loin des critères académiques habituels. Là, des œuvres jugées calamiteuses se voient offrir une reconnaissance aussi singulière qu’inattendue, bien à l’écart des hommages protocolaires.

Cet étiquetage n’a rien d’officiel, ne repose sur aucun barème savant, et ignore superbement les échelles du bon goût. Pourtant, il finit par bouleverser la façon dont on considère ces films, jusqu’à influencer les analyses des critiques les plus sérieux.

Le nanar : origine d’un terme culte et évolution dans le langage cinéphile

À l’origine, il n’y a rien d’érudit. Le mot nanar débarque dans les années 1970 : une pointe d’ironie, un clin d’œil entre initiés pour désigner ces films qui, à force de maladresses, atteignent un genre de splendeur involontaire. À Paris, on chuchote les titres lors de projections nocturnes, on se passe des cassettes aux pochettes absurdes, entre deux éclats de rire. Le terme fait son chemin, du cercle des initiés jusqu’aux pages de magazines spécialisés, puis s’invite dans les débats de cinéphiles aguerris.

La signification du terme nanar s’ancre vite autour d’un double regard. D’un côté, le film dont les défauts techniques ou narratifs déclenchent le rire ou l’étonnement attendri. De l’autre, un phénomène collectif : le plaisir d’assister ensemble à un ratage devenu spectacle. Le cinéma américain propose une infinité d’exemples, des blockbusters surestimés aux séries B de l’espace, mais la France a aussi son lot de perles.

Peu à peu, dans les livres retraçant l’histoire du cinéma, le nanar trouve sa place comme objet d’analyse. Il interroge la notion même de goût, bouleverse les repères, secoue la critique. Le mot se charge de nuances, circule sur les forums, nourrit les podcasts et inspire des analyses pointues. Les passionnés en font une quête : on organise des visionnages à thème, on dresse des classements où les nanars les plus légendaires éclipsent parfois des chefs-d’œuvre au panthéon officiel.

Voici ce qui distingue ces œuvres et la manière dont elles sont accueillies :

  • Une œuvre nanar : tournée avec sérieux, mais reçue avec amusement ou ironie.
  • Un film culte : la réception du public en détourne le sens, le transforme en objet d’adoration inattendu.

De nos jours, dans le cinéma contemporain, le nanar ne se cache plus. Il s’affiche fièrement, se présente comme référence, et devient même un parti-pris revendiqué par certains créateurs. La limite entre parodie et ratage volontaire devient floue, mais l’attrait reste le même : voir, dans les failles apparentes, surgir une authenticité désarmante.

Pourquoi certains films deviennent-ils des nanars malgré eux ?

Derrière chaque film catalogué nanar, il y a une ambition réelle. Vouloir marquer son époque, épater le public, ou même tutoyer l’œuvre d’art. Mais la réalité du tournage s’en mêle : budget aux abonnés absents, scénario improbable, acteurs hors sujet, effets spéciaux datés. Tout s’emballe. La mise en scène chancelle, le rythme perd pied, les dialogues s’égarent. Au bout du compte : un film qui échappe à tout contrôle.

Il arrive que la note d’intention ne survive jamais au passage à la réalisation. Un metteur en scène rêve de chef-d’œuvre ; à l’écran, c’est la déroute. Pour le spectateur, l’expérience a quelque chose de fascinant : on assiste à une succession de faux pas dont la sincérité finit par séduire. Le film ne touche pas sa cible, mais il laisse une empreinte ailleurs, dans la mémoire collective des amateurs de curiosités.

Que l’action se déroule à Los Angeles ou dans une jungle de studio, l’empilement des erreurs finit par générer une forme de plaisir inédit. Ici, une autre façon de raconter l’histoire du cinéma s’écrit : celle de l’échec spectaculaire. Les critiques examinent chaque plan, traquent les ratés, célèbrent ce que d’autres voudraient cacher. Entre navet et nanar, il suffit parfois de la passion d’un public pour faire basculer un film de l’oubli à l’adoration décalée.

Cabine de projection rétro avec bobines de film colorées

Quand le mauvais devient culte : comment le nanar façonne la culture cinématographique

Le nanar film culte s’impose dans l’univers du cinéma comme un objet étrange et fascinant. Faux raccords, cabotinage, incohérences scénaristiques : tout ce qui devrait faire fuir les spectateurs devient, ici, la matière première d’une communauté passionnée. Qu’on soit dans une salle obscure ou devant un écran d’ordinateur, les fans se rassemblent, commentent, rient ensemble de ce qui, ailleurs, semblait perdu d’avance.

Ce phénomène ne date pas d’hier. Dès les années 80, des titres improbables circulent en VHS, alimentent les conversations de niche. Le nanar devient un terrain d’expérimentation dans le discours sur le cinéma, un espace où les codes esthétiques sont mis sens dessus dessous. Jacques Aumont l’a bien vu : il existe une zone grise du mauvais goût assumé, où le ratage se transforme en geste artistique, même involontaire.

Des deux côtés de l’Atlantique, le cinéma américain et son pendant français rivalisent de productions inattendues. Jean-Marie Poiré, Richard Harrison, James Nguyen : ces cinéastes, plus ou moins célèbres, ont offert au genre quelques-unes de ses références. Leurs films échappent au tri de la critique classique, imposent d’autres critères, d’autres façons d’apprécier. Une VF approximative, un titre décalé ou une adaptation improbable deviennent des rituels pour les spectateurs.

Qu’on soit en salle ou en ligne, la vie du nanar suit son cours. Il rassemble, inspire, bouscule la manière de recevoir les œuvres. Ce qui semblait perdu est célébré, le ratage devient culte, et le cinéma y trouve une nouvelle énergie. Difficile de prédire quel film s’invitera demain dans cette galerie de l’étrange, mais une chose est sûre : tant qu’il y aura des spectateurs curieux, le nanar continuera de surprendre, et de rassembler des foules là où personne n’attendait plus rien.